Le Livre III du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) organise et encadre le droit d’accès aux documents administratifs. Ce droit s’impose à l’ensemble des autorités publiques,…
Le Livre III du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) organise et encadre le droit d’accès aux documents administratifs. Ce droit s’impose à l’ensemble des autorités publiques, mais également aux organismes privés lorsqu’ils exercent une mission de service public, pour les documents se rattachant à cette mission.
Pour être recevable, une demande d’accès doit porter sur un document répondant à trois conditions cumulatives :
- il doit s’agir d’un document existant,
- de nature administrative
- et effectivement détenu par l’administration saisie.
Ce droit présente un champ d’application particulièrement large puisqu’il concerne tous les documents, quelle que soit leur forme ou leur support, produits par une autorité administrative ou transmis par une personne privée.
En conséquence, lorsqu’une demande de communication est formulée et que le document sollicité entre dans le champ d’application du Livre III du CRPA, l’administration est légalement tenue de le communiquer à la personne qui en fait la demande.
Toutefois, comment articuler cette obligation de communication avec les exigences de protection issues du droit de la propriété intellectuelle ainsi que celles relatives au secret industriel et commercial ?
I – Obligation de communication et propriété intellectuelle
Selon l’article L311-4 du CRPA, les documents administratifs sont communicables ou publiables sous réserve du respect des droits de propriété littéraire et artistique. Autrement dit, la communication des documents n’est pas empêchée, mais leur utilisation ultérieure par le demandeur doit se faire dans le respect des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés (droit d’auteur, droits voisins, droits sui generis des bases de données).
Ainsi, le demandeur est tenu de respecter les droits de l’auteur dans l’usage qu’il entend faire des documents communiqués. À titre d’exemple, sont communicables — sous réserve de ces droits — les documents transmis dans le cadre d’un concours d’architecture, tels que les plans (de masse, de coupe, de façade), maquettes, planches, esquisses ou avant-projets.
S’agissant notamment des plans, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) rappelle que la réserve liée aux droits de propriété intellectuelle n’a ni pour objet ni pour effet de restreindre la communication. Elle implique uniquement que le demandeur limite l’usage qu’il en fera après communication. Le Code de la propriété intellectuelle autorise, en effet, un usage privé d’une œuvre (ici, les plans), mais prohibe toute utilisation collective ou diffusion non autorisée.
En revanche, certains documents demeurent non communicables, par exemple ceux établis dans le cadre d’un concours restreint de maîtrise d’œuvre relatif à la construction d’un nouvel hôtel de police, dès lors que la communication de certaines informations relatives à l’offre retenue risquerait de porter atteinte à la sécurité publique.
Il importe donc de concilier l’obligation de communication prévue par le CRPA avec, d’une part, la protection des droits de propriété intellectuelle et, d’autre part, les impératifs liés à l’ordre public.
II – Obligation de communication et secret industriel et commercial
La communication des documents administratifs contenant des informations dont la divulgation porterait atteinte au secret industriel et commercial est strictement limitée aux personnes directement intéressées. Dans certains cas, cette protection peut donc faire obstacle à la transmission de certaines données.
La loi du 30 juillet 2018, relative à la protection du secret des affaires, a consacré ce principe, notamment en matière de marchés publics. Est protégée au titre du secret des affaires toute information qui : n’est pas généralement connue ou aisément accessible, dans son contenu ou dans la combinaison de ses éléments, pour les professionnels du secteur concerné ; possède une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; fait l’objet, de la part de son détenteur légitime, de mesures de protection raisonnables afin de conserver sa confidentialité.
En application de l’article L2132-1 du Code de la commande publique, l’acheteur ne peut divulguer les informations confidentielles recueillies lors de la procédure de passation (secret des affaires, prix des offres, etc.), sauf accord exprès de l’opérateur économique. Il peut également imposer des obligations de confidentialité aux candidats afin de protéger les informations transmises.
À titre d’illustration, le Conseil d’État a jugé que les documents échangés au cours de la phase de négociation d’un marché ne sont pas communicables car protégés par le secret des affaires, car ils relèvent de la stratégie commerciale du candidat. En revanche, certains éléments relatifs aux engagements de l’attributaire peuvent être communiqués, dès lors qu’ils n’entrent pas dans sa stratégie commerciale. De même, les pièces principales d’un marché (acte d’engagement, prix global, prestations proposées par l’attributaire, etc.) sont en principe communicables, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.
Il convient ainsi d’opérer un équilibre entre l’obligation de communication des documents administratifs et la nécessaire protection du secret des affaires dans le domaine des marchés publics.
Références juridiques :
- CADA, “La communication des documents administratifs en matière de commande publique” ;
- CADA, avis n° 20091401 du 16 avril 2009 ;
- CADA, avis n° 20024502 du 21 novembre 2002 ; article L311-4 du CRPA ;
- CADA, conseil n° 20073958 ;
- article 4 de loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires ;
- article L2132-1 du CCP ;
- CE, 15 mars 2023, n° 465171 ;
- CE, 30 mars 2016, n° 375529.